Enfantines
A MA FILLE
Un livre à ma fille!... Eh ! pourquoi ?
Ma pauvre enfant, tu ne sais lire
Que dans mes yeux et mon sourire !
Que veux-tu, toi seule es ma lyre ;
Ton charme dicte, et j'écris, moi.
Ce sont les hymnes de ton âge,
Des strophes au léger plumage,
Un livre d'enfants, une cage
Dont chaque oiseau chante pour toi.
Vois-tu bien, ma muse vermeille,
De tes jeunes traits fleurissants,
Les vers chastes et caressants
S'exhalent comme de l'encens !
J'aime à puiser dans ta corbeille ;
Car l'enfant encor plein de ciel,
Et la fleur que fit l'Éternel,
Ont toujours des gouttes de miel
Pour le poëte et pour l'abeille.
C'est toi, mon sylphe du foyer,
Dont chez moi le pied blanc se pose ;
Qui jettes sur la plage éclose
Le reflet de ta robe rose.
Si quelquefois tu fais briller
Ma feuille noircie et rebelle,
Et s'il y vole une étincelle,
Elle jaillit de ta prunelle,
Mon petit lutin familier !
C'est toi, mon ange, que j'appelle,
Quand il me faut un séraphin,
Pour me dicter l'hymne enfantin
Qui monte à Dieu soir et matin :
Ta candeur si sainte et si belle,
La pureté de tes grands yeux,
M'inspirent ces hymnes pieux,
Et j'écris, mon ange de cieux,
Avec les plumes de ton aile !
Ton berceau fut un nid joyeux,
Tout plein de chansons pour ta mère,
Et ma poésie éphémère
Te caressa, tendre et légère.
Ma Bertile, enfant radieux,
Ce livre est un miroir limpide,
Sans cadre vermeil et splendide,
Mais où l'on voit, petite Armide,
Ton front, ton sourire et tes yeux.
Vous tous, anges de nos retraites,
Chantant le jour, priant le soir,
Enfants, c'est aussi le miroir
Où vous pourrez venir vous voir.
Bien des penseurs, graves prophètes,
Pesant le globe dans leur main,
Vous dédaignent, mon peuple nain :
Ils cherchent le cèdre en chemin,
Et moi, les humbles pâquerettes.
Vous sortez du ciel triomphant,
Aussi purs, aussi frais encore
Que la neige et la jeune aurore,
Avec la candeur qui s'ignore,
L'ange gardien qui vous défend.
Quand Dieu veut graver son empreinte,
Rallumer la croyance éteinte,
Il fait briller l'étoile sainte,
Et sourire un petit enfant.
Puis vous chérissez les chimères
Comme moi; les fleurs, les rayons ;
Nous aimons le ciel, nous prions ;
Vous poursuivez les papillons,
Je prends des strophes éphémères :
Venez donc à moi, légers faons,
Charmants amis aux jeunes ans :
Mère, je vous adore, enfants ;
Poëte, je vous aime, ô frères !
Petits êtres étincelants,
Plus tard vous deviendrez, je gage,
Vous, un savant, cet autre, un sage :
On n'en sait pas plus à votre àge
Que la rose et les cygnes blancs ;
Mais songeons bien, nous, âmes vaines,
Que les arbres sont dans les graines,
Et voyons toujours les grands chênes
Se cacher dans les petits glands.