Anaïs Ségalas - 1814-1893. Fille d'un père picard (marchand de
toile et de rouennerie) et d'une mère créole, Anaïs Ségalas publia
son premier volume de vers, Les Algériennes, en 1831.
Après son mariage avec un avocat à la Cour royale de Paris, la ravissante
Anaïs vécut confortablement comme les bourgeoises de l'époque Louis-Philippe
dont elle partageait d'ailleurs les préjugés. Ses exhortations en vers à
une charité de bon ton envers les ouvriers ne dépassent pas le sentimentalisme
pleurard que ce sujet provoque chez la plupart des poètes romantiques. Tout aussi
décevant, son féminisme à l'eau de rose se limite à réclamer
pour les dames des claviers, des plumes et des pinceaux plutôt que des rubans ou des colliers.
Son talent est ailleurs, dans Enfantines, un recueil tout scintillant de rêveries
et de féerie que lui inspire l'amour maternel. Mme Ségalas dessine des palais de
cristal, des fées, des lutins et des feux follets avec une ingéniosité qui
rappelle celle de Granville dans ses Fleurs animées.
L'intérêt pour le monde exotique dont témoigne Les Oiseaux de Passage
s'explique peut-être par l'influence de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand.
Mais les origines maternelles d'Anaïs Ségalas lui ont certainement mieux fait comprendre
le drame des gens de couleur. Bien qu'influencé par Hugo, son sentiment cruellement réaliste
de la mort reste personnel. Ces êtres qui sont plus qu'une chose et moins qu'un homme,
et dont elle imagine la décomposition, sont évoqués avec une violence et une
singularité fort éloignées de celles des « poétesses dolentes. »
- Jeanine Moulin, 1966.