Les Stoïques
Oh! vous aurez trop dit au pauvre petit ange...
Victor Hugo
I.
« Il sera grand & fort, il est déjà si tendre !
Dans ses yeux si profonds le regard est si doux !
Je vois son cœur s'ouvrir & son esprit s'étendre,
Car ce petit enfant c'est mon fils, voyez-vous.
O mon trésor, ce soir pourquoi te faire attendre,
Laisser ton livre ouvert auprès de tes joujoux,
Et, tout à coup muet, ne plus me faire entendre
Ces petites chansons qui font l'oiseau jaloux ?
Auprès de mon fauteuil ta chaise reste vide,
La nuit silencieuse a couvert l'horizon, —
L'enfant de mon amour n'est plus dans la maison.
Seigneur, le ciel est noir & le sépulcre avide...
Et moi qui, si souvent dans l'ardeur de ma foi,
Tentai de consoler des pères comme moi ! »
II.
— Pour ce petit enfant tant d'espoirs & d'alarmes !
O père, regardez au-dessus du berceau :
Voyez la mort qui vient, ange aux divines armes,
Et qui dans un baiser le marque de son sceau.
Pour ce petit enfant tant de deuil & de larmes !
O père, regardez par delà le tombeau,
Voyez l'avenir prendre au passé tous ses charmes,
L'éternité joyeuse en un ciel toujours beau.
Pour ce petit enfant n'enviez plus ce monde
Qui souille quelquefois & sans cesse meurtrit :
Dieu l'a guéri de vivre avant qu'il en souffrît.
O père, aimez pour lui votre douleur féconde,
Ce baptême par qui vous êtes triomphant,
Et que Dieu vous envoie au nom de votre enfant !