Les Stoïques

PROMENADE D'AUTOMNE

    Toujours de l'ineffable allant à l'invisible.
Victor Hugo
Nous étions en octobre, & les cieux dépouillés
Étaient pleins de rayons & d'oiseaux éveillés.
Plus tendre qu'un soupir, plus doux qu'une caresse,
Le vent tout imprégné de langueur charmeresse
Nous soufflait à mi-voix mille songes heureux.
Par la ruelle étroite & le sentier pierreux
Où les enfants jouaient en chantant, où l'aïeule,
Sur le pas de sa porte assise triste & seule,
Écoutant ces refrains qu'elle avait désappris,
Rêvait de jeune espoir & de printemps fleuris,
Nous étions arrivés en haut de la colline.
Les horizons, noyés dans la brume opaline
Que l'automne répand, fuyaient roses & bleus
Comme pour s'en aller aux lointains fabuleux.
Avec leur bruit & leurs clameurs inattendues,
Immenses toutes deux & toutes deux perdues
Dans ces vapeurs où terre & ciel se confondaient,
La campagne & la ville à nos pieds s'étendaient.
L'oreille en vain cherchait un son, l'œil une forme :
Un murmure étouffé sous un nuage énorme,
Une aspiration confuse, un nimbe d'or, 
Près de nous des oiseaux qui gazouillaient encor,
Et c'était tout. - Ainsi le passé dans la vie
Disparaît, l'aspect change & le rêve dévie.
Plus haut que l'idéal, plus loin que le désir,
L'âme enfin libre monte &, fière, vient saisir,
Par delà les rayons qui voilent sa souffrance,
Dans l'immortel amour, l'immortelle espérance.

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