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Les Algériennes

LES FRANCAISES A ALGER


Sors de ton long sommeil, superbe Télésille !
Levez-vous, levez-vous ô femmes de Beauvais !
Vierge qu'on pleure encore aux champs Orléanais,
Que la palme du brave en ta noble main brille !
Vos lauriers délaissés, pâles et sans vigueur,
Qui languissaient privés de vos antiques flammes,
Dans les faibles mains de deux femmes
Ont repris toute leur splendeur.


La France avec orgueil dit : Voyez ces guerrières,
L'exemple de mes fils enfanta leur valeur ;
L'Arabe à leur aspect, frissonne de terreur !
Sur leurs tissus légers, signalant leurs carrières,
Nous voyons cette croix que nulle n'égala,
Dont le rempart sacré protège la poitrine,
Et dit au peuple qui s'incline :
La victoire a passé par là.


Oui, soldat couronné, qui, rompant les entraves,
As poussé de ta main tout un siècle en avant,
Ce ruban qu'inventa ton génie éclatant,
Quand il fallait créer les honneurs pour les braves,
Qui décora souvent tes illustres Français,
Des guerriers de Wagram enorgueillit les âmes,
Brille sur le sein de deux femmes,
Et les pare de leurs succès.


Déités des salons, ornement de nos fêtes,
Craignez de mépriser, brillantes de rubis,
Et leur simple ruban et leurs simples habits ;
Et n'y préférez pas vos tissus de conquêtes :
On a acheté à prix d'or un bijou ravissant,
Des gazes, des brillans, des pompeuses coiffures ;
Ce ruban, qui fait leurs parures,
Ne s'achète qu'avec du sang.


Un murmure flatteur, vous disant les plus belles,
Se glisse à votre oreille en son harmonieux ;
Mais, vaut-il cet éloge et simple et glorieux,
Qui n'a pour s'exprimer que ces mots : Ce sont elles !
Elles ! ce souvenir leur donne mille attraits ;
Des plus fières beautés il détruit la puissance :
La main qui combat pour la France,
Paraît toujours belle aux Français.


L'une, affrontant la mort, et s'offrant en échange
D'un malheureux blessé, succombant sous les coups.
A l'amour du pays joint l'amour d'un époux ;
Et son glaive à la main le remplace et le venge :
L'autre a vu mutiler son corps noble et guerrier ;
Cette illustre victime est souffrante et meurtrie,
Mais pour battre pour la patrie,
Son cœur reste encor tout entier.


Toutes deux à l'Arabe ont porté l'épouvante.
Des meubles de sérail, êtres faibles et vains,
Des femmes ont foulé les corps des Africains,
Et lancé dans leurs flancs la balle déchirante ;
Car, si leurs yeux parfois d'un jeune et doux ami,
Savent trouver le cœur..., armé d'un lourd tonnerre,
Leurs bras sait aussi dans la guerre,
Trouver le cœur d'un ennemi.


Vainement de ces bras, dédaignant la puissance,
Le monde routinier leur ferme le chemin,
Entre elles et la gloire il place un mur d'airain :
Les guerrières d'Alger, fières de leur licence,
S'unissent aux Français, sous les murs assiégés ;
Leur courage enfermé rompt sa froide contrainte.
Et franchit la stupide enceinte
De la prison des préjugés.


Vous doutez du courage et de l'ardente flamme,
Qui font voler la femme au milieu des combats !
A-t-elle moins que vous, intrépides soldats,
D'amour pour son pays et de force dans l'âme ?
Et de son prompt essor doit-on être étonné ?
Car ce sang vif et pur, qui coule en vos entrailles,
Et bouillonne au nom des batailles
C'est elle qui vous l'a donné.


Mais qui peut à présent douter de notre audace ?
Héroïnes d'Alger, votre éclatante ardeur
Doit rejaillir sur nous... que le laurier vainqueur,
Aux roses du plaisir sur nos fronts s'entrelace !
Que dis-je ! où m'égarait l'aveugle vanité ?
O vous, dont la valeur me séduit et m'inspire,
Daignez pardonner à ma lyre
Son ambitieuse fierté.


Mais le monde est ainsi : de votre belle histoire
Toutes avec orgueil nous célébrons les faits,
Et d'un accent altier proclamant vos succès,
Nous relevons nos fronts fiers de votre victoire.
Nous voulons pour briller jusqu'à votre niveau,
Faire de votre gloire une gloire commune,
Et nous nous abritons chacune
Sous les coins de votre drapeau.

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