Rêves et Réalités
BLANCHE
PREMIÈRE PARTIE.
I
Elle était grande et pâle, elle était grave et belle;
Son pas était rêveur et languissant comme elle;
Rien qu'à la voir marcher on se sentait ému
Comme si dans son âme on avait déjà lu.
Ses yeux profonds et noirs se voilaient de mystère
Et changeaient leur douceur contre un regard austère,
Regard étrange et sombre et pourtant plein de feu,
Quand quelque mot puissant : Génie, Amour ou Dieu,
Négligemment ou non était dit devant elle.
Son sourire exprimait la pensée immortelle :
Il était fixe et long et semblait révéler
Un rêve intérieur que rien n'eût pu troubler.
On voyait sur son front le sceau des grandes âmes,
Ce blason radieux d'élus, hommes ou femmes,
Que Dieu dès le berceau sépara d'entre tous,
Qu'il fit rois, comme, hélas! les bouffons et les fous :
(Le génie est chez nous la suprême folie!)
Pourtant elle était tendre, et sa voix amollie,
Voix qui n'a pas d'échos au grand désert humain,
Répandait sa rosée aux souffrants du chemin.
Pourtant, à la fierté qui lui faisait couronne,
Se mêlait une grâce, un charme de Madone,
Une silencieuse et rare humilité.
Rien n'était si charmant que sa simplicité;
Son âme était visible, on en sentait la flamme :
Malgré son diadème, enfin, elle était femme !
Esprit ambitieux, corps frêle, cœur d'enfant,
Elle gardait en elle un mystère étouffant,
Une de ces douleurs d'instinct qui rendent sombre;
Mais Dieu le savait seul : une candeur sans ombre
La revêtait de calme et de séréité.
Elle avait le courage et l'intrépidité
Qui font les Jeanne d'Arc aux jours de la bataille;
La lance d'un héros n'eût point courbé sa taille,
Elle eût porté son poids sans gêne et sans effort
Et n'eût point reculé devant les cris de mort.
Qui l'eût dit, à la voir délicate et sensible ?
L'orage sur les mers la voyait impassible;
Le danger la rendait forte, il la roidissait;
Mais, tremblante soudain, son âme fléchissait
Devant une souffrance à demi-mot comprise,
Larme où le cœur échappe au secret qui le brise.
Ce contraste éclatant défiait tous les yeux
D'affirmer ce qu'en elle on admirait le mieux.
Ce n'était pas assez de sentir sa poitrine
Se gonfler et bondir sous l'étreinte divine,
D'embrasser l'infini, de répondre en sanglots
Aux longs sanglots des vents, aux longs sanglots des flots;
Ce n'était pas assez : il lui fallait encore
Rendre larme pour larme à l'enfant qui s'ignore,
Sourire avec angoisse au pauvre aux traits flétris,
Abandonner son cœur à tous les cœurs meurtris.
II
Elle habitait Paris auprès de son aïeule,
Noble femme au front d'ange et qui lui restait seule.
Orpheline en naissant, elle n'avait connu
Que ses pensifs baisers sur son cou rose et nu,
Que ce profond regard où la foi se devine,
Que sa voix pleine encor de tendresse divine.
O les beaux jours de calme à son ombre écoulés !
O les beaux trésors d'âme à l'âme dévoilés !
Blanche trouvait en elle une ineffable amie,
Contre tous les dangers elle était affermie,
Des revers du destin elle bravait les coups :
Son aïeule était là pour les conjurer tous.
A Paris cependant elle n'était point née ;
Bien loin avait élos sa jeune destinée.
Quand son regard s'ouvrit pour la première fois,
C'était sous un ciel vaste encadrant de grands bois ;
C'était près des flots bruns et des montagnes grises,
Dans un Eden en fleur tout palpitant de brises.
Elle en avait gardé l'âpre amour des forêts,
Des vents, des monts, des mers, si pleines de secrets.
Le silence profond des grandes solitudes
Semblait l'envelopper de leurs béatitudes.
A sa libre poitrine il faut l'air libre et sain,
A son hymne infinie un horizon sans fin.
III
Pourquoi naître superbe entre les plus superbes,
Et le front ceint des fleurs des plus célestes gerbes ?
Pourquoi sentir en soi l'infini déborder,
Les vents du ciel chanter, les vents des mers gronder ?
Pourquoi naître puissant, tendre, fier, pathétique,
Pourquoi tout contenir en son cœur sympathique ?
De soufrance et de deuil prédestination,
C'est pour mieux accepter toute immolation !
Blanche le savait donc, hélas! même avant l'heure
Où l'âme qui s'éveille est effrayée et pleure ?
Enfant on la voyait pâlir soudain; - parfois
Au milieu de chansons s'assombrissait sa voix.
De peur qu'on n'aperçût sa tristesse subite,
Dès qu'on la regardait elle s'enfuyait vite.
S'il arrivait qu'on dit : Qu'avez-vous, Blanche? Eh bien !
- Je n'ai rien, disait-elle en riant, je n'ai rien ! -
Mais, pourquoi pleuriez-vous? - Je ne sais pas moi-même ;
Ici, je suis heureuse et tout le monde m'aime,
On ne m'a rien laissé jamais à désirer.....
Et l'enfant de nouveau se mettait à pleurer.
Qu'est-ce donc, ô mon Dieu! que notre âme immortelle ?
Pourquoi sa sombre angoisse? oh! pourquoi souffre-t-elle ?
Des pleurs, toujours des pleurs, comme instinctivement ;
Des pleurs pour le bonheur comme pour le tourment,
Des pleurs aux yeux rieurs de l'enfance joueuse,
Comme en répand plus tard l'âme tumultueuse...
Nous naissons las déjà de notre propre poids,
Las de notre néant et pressentant nos croix.
IIe PARTIE.
UN BAL A BORD D'UN VAISSEAU.
I
Voyez-vous les marins du brillant équipage
Se hâter et courir du navire au rivage ?
Hurrah! c'est jour de fête aujourd'hui dans le port ;
Le nouveau capitaine offre un bal à son bord.
O les beaux mâts coquets, les blondes girandoles !
On croirait voir Venise et ses sveltes gondoles ;
Il semble qu'on entende au loin de frais échos...
Pourtant, c'est l'Océan! ciel sombre, sombres flots !
Voici là les rochers de la vieille Angleterre,
Puis la mer qui s'étend brumeuse et solitaire.....
Mais ce n'est pas le temps de songer au ciel noir :
Le pont qui s'illumine est magnifique à voir,
Ce ne sont que parfums et tentures soyeuses,
Glaces multipliant les figures joyeuses,
Fleurs embaumant les pieds et caressant les fronts ;
A plus tard les dangers : ce soir nous danserons !
L'altier Triomphateur fait halte entre deux guerres,
Lui qui, faucon des eaux, ne se repose guères.
Des invitations de choix ont rassemblé
Sur le vaisseau royal qui s'en trouve ébranlé,
Tous les représentants des plus hautes familles,
Et tout un blond essaim de belles jeunes filles,
Tout ce que Liverpool renferme d'opulent.
Des étrangers aussi se montrent : leur pas lent,
Leur geste observateur les désigne à la foule
Parmi ce flot humain qui brille et se déroule.
Mais qu'est-ce? A qui revient cette exclamation ?
Qui donc passe et produit autant d'émotion ?
C'est une enfant encor : serait-ce une Écossaise,
Une Grecque aux yeux bruns? Non! c'est une Française ;
C'est Blanche : elle a seize ans ; pour la premiè fois
Elle a quitté ses lacs, ses grands monts, ses grands bois ;
Ce bal est sa première excursion lointaine ;
L'aïeule l'a voulu pour plaire au Capitaine,
Qu'enfant ses vieux genoux ont tant de fois porté :
Sa mère est son amie et l'a toujours été.
Blanche ne connait pas Johnson ; à peine au monde,
Il rêvait un hymen avec la mer profonde ;
Il trouvait puérils les vœux d'autres enfants,
Et n'avait de bonheur que sur les flots mouvants.
Il fallut l'embarquer dès sa douzième année
Et confier aux vents sa mâle destinée.
Cependant le premier frémissement passé,
La musique reprend l'air déjà commencé.
On entoure aussitôt Blanche qui balbutie
Et qu'un heureux danseur entraîne et remercie.
Elle a tenu les yeux baissés jusqu'à présent ;
Mais il faut malgré soi s'enhardir en causant.
Toute craintive encore elle lève la tête
Et regarde celui qui l'entraîne à la fête ;
C'est John, le capitaine : il a l'œil sérieux,
Le front haut, l'accent fier et presque impérieux ;
On sent rien qu'à le voir une âme qui travaille ;
Il domine les gens du geste et de la taille,
En même temps qu'il règne au nom d'un rare esprit.
Pourtant, comme son cœur, pas un ne s'attendrit ;
Ce cœur est généreux, on le sent sous l'écorce ;
Mais Johnson se contient, c'est ce qui fait sa force.
Lui regarde aussi Blanche : il tressaille! leurs yeux
Se sont en même temps levés sur chacun d'eux.
Ce mutuel regard jusqu'à leur cœur pénètre.
- Pourquoi donc, jeune enfant, sens-tu fléchir ton être,
Devant l'œil soucieux du matelot bruni ?
Hardi marin, pourquoi ton front a-t-il pâli
Devant le frais regard de l'humble jeune fille?
Aigle des mers, vois-tu qu'une étoile scintille
Dans le ciel idéal que ton cœur a rêvé?
Et toi, candide enfant, as-tu déjà trouvé
L'être qui d'un coup d'œil se fait maître de l'âme,
Ce dieu mortel qu'il faut au culte de la femme?
Premiers frissonnements du cœur vierge et profond,
Que vous êtes sacrés pour Dieu qui lit au fond !
Tous deux se sont compris : ils gardent le silence ;
Ils savent que leur cœur l'un vers l'autre s'élance ;
Que pourraient-ils se dire? ils se sentent aimés !
Sans prendre garde à ceux qui les suivent charmés,
John instinctivement saisit la main de Blanche
Et marche avec l'enfant dont le front rêve et penche.
Loin, bien loin derrière eux, est le bal frémissant ;
L'écho des airs de valse expire languissant ;
Plus de rires, de bruit, de lumière et de foule !
Ils n'ont plus autour d'eux que la vague qui roule,
Au-dessus que le ciel, partout l'immensité !
Oh! quel soupir mortel ne se trouve arrêté
Pour se changer soudain en extase et prière
Devant la majesté de la nature altière,
Qui semble éteindre l'homme en fascinant sa foi !
Cet éblouissement le transfigure en roi :
Il abdique ses sens, son esprit, son cœur même,
Pour s'absorber plus libre en la splendeur suprême ;
Tout intérêt humain disparaît et se fond
Dans l'hymne universel qui fait courber son front.
John subit l'ascendant de la nuit étoilée,
A force de bonheur son âme s'est troublée ;
Tour à tour il invoque en mots incohérents
Blanche, la mer profonde et les cieux transparents.
O lune blonde et calme, ô firmament sans voiles !
O rochers argentés sous le feu des étoiles,
O solitude, ô brise, ô flots harmonieux,
Quel puissant talisman reçûtes-vous des cieux ?
Dans votre chant mystique, ô rêveuse Nature,
N'est-ce pas Dieu qui parle à toute créature ?...
- Blanche sourit pensive, elle aussi n'écoutait
Que les soupirs des vents que la brise apportait ;
Son âme palpitait avec le vent sonore,
Son front resplendissait du feu qui la dévore.
Dédaignant de revoir les terrestres sentiers,
Tous deux, l'homme et l'enfant, auraient dit volontiers,
Comme les compagnons du Christ sur la montagne :
Nous sommes bien ici, la paix du cœur nous gagne,
Les demeures de bruit sont loin derrière nous,
Permettez-nous, Seigneur, de rester avec vous ;
Demeurons en ces lieux, élevons-y nos tentes,
Les jours y sont vermeils et les nuits éclatantes.
O sublime innocence, auréole des cœurs !
Les passions de l'âme et de l'esprit sont sœurs.
II
Il est parti, le beau navire,
Le beau navire aux mâts flottants !
Plus de brise au loin qui soupire,
Et plus d'horizons éclatants !
Où donc est John, le capitaine ?
La nuit de bal a disparu.
Blanche s'interroge incertaine
Du rêve auquel son âme a cru.
Ne s'est-elle point abusée ?
Ce nom qu'elle redit toujours,
Qui fait sa prière embrasée,
Qui charme et qui flétrit ses jours,
Ce nom si plein d'un doux mystère,
Qui dans son cœur s'est incrusté,
Faut-il l'avouer ou le taire ?
Qui donc, ô mon Dieu! l'a porté ?
Oh! tu peux l'avouer, ce nom si plein de charmes !
Ta grand'mère l'a lu dans une de tes larmes,
Pauvre enfant! ta main froide et ton front désolé,
Quand Johnson dut partir, avaient tout révélé.
Quand il te dit adieu, quand la mer implacable
Réclama le navire et secoua son câble,
Tu sentis qu'on brisait en toi-même un lien ;
Mais, comprimant ton cœur, tu ne répondis rien.
Ce mot si triste : adieu! tu ne l'aurais pu dire ;
Et pour comble d'effort tu tentas de sourire.
S'y trompa-t-il, lui seul? ce souris généreux
Le rendit-il plus calme et fort, moins malheureux ?
III
Non, le bonheur n'est pas! ce n'est qu'une ironie.
Son sourire est payé d'une longue agonie ;
Sol soleil d'un instant fait plus sombre la nuit :
Fascinateur il brille, et moqueur il s'enfuit.
Rendue à son pays natal, à ses bois sombres,
Blanche errait chaque soir, ombre parmi les ombres ;
Mais, hélas! les cieux purs, les flots silencieux
Lui rappelaient toujours d'autres flots, d'autres cieux.
Toi qui le berces, mer profonde,
Toi qui l'éclaires, ciel d'azur,
O mer, fais-lui calme ton onde ;
O ciel, fais lui doux ton air pur !
Que son navire aux blanches voiles
Glisse tranquille au sein des nuits ;
Que pour lui brillent les étoiles,
Que pour lui meurent tous les bruits ;
Tous les bruits d'angoisse et d'orage,
Tous les bruits de foudre et d'éclairs.
S'il aborde un lointain rivage,
Que tous les cœurs lui soient ouverts !
Sait-il que sous la brume grise,
Le vent du soir dans mes cheveux,
Je suis là jetant à la brise
Son nom tout parfumé de vœux ?
Sait-il que pour moi la tempête
Est venue et règne en mon cœur ;
Que le souvenir d'une fête
Est mon souvenir de douleur ;
Que j'aime la montagne noire
Qui m'empêche de voir le ciel,
Et que j'étouffe ma mémoire
Comme en un linceul éternel ?
J'ai rêvé sous plus d'un ombrage,
J'ai chanté sous plus d'un ciel bleu ;
Mais toujours j'ai trouvé l'orage
Au fond de ma poitrine en feu.
Toi qui le berces, mer profonde,
Toi qui l'éclaires, ciel d'azur,
O mer, fais-lui calme ton onde ;
O ciel, fais-lui doux ton air pur !
IV
La solitude est bonne, elle est consolatrice ;
Elle a des pleurs divins pour chaque cicatrice.
Eloigné de la foule, on est si près de Dieu
Qu'on respire la paix dont s'empreint son ciel bleu.
Dieu parle à l'âme triste et se fait son refuge :
C'est un père attendri, ce n'est jamais un juge !
Il rafraîchit nos fronts, il nous prend par la main
Et nous fait parcourir un idéal chemin,
Sentier d'ombre ineffable et de fleurs immortelles ;
Là, pour voler à lui, nos âmes ont des ailes,
Là, nous ne sentons plus le poids des passions ;
Tout s'efface en nos cœurs libres d'ambitions.
Oh! qui n'a ressenti cette extase indicible
Qui, malgré les railleurs, nous montre inaccessible,
Aux misères d'en bas qui nous fait dire adieu,
Qui rompt enfin nos fers, nous rend semblable à Dieu !
Puisqu'il est dit, hélas! qu'il n'est rien qui demeure,
Cette ivresse du ciel ne dure aussi qu'une heure :
Heureux pourtant, heureux qui l'a goûtée un jour !
Pour un moment du moins si ce n'est sans retour,
Il a pu se soustraire aux tourments de la vie,
A la plate sottise, à l'injure, à l'envie.
Oh! oui la solitude est bonne aux cœurs meurtris !
Jamais plus qu'à présent Blanche ne l'a compris ;
Après le chant plaintif de sa peine voilée,
Elle sentit soudain son âme consolée ;
Dans son cœur s'éclaircit un horizon trop noir,
Le regret faisait place à quelque vague espoir.
Surprise elle étreignit sa fidèle grand'mère :
" Crois-moi, ma pauvre enfant, ta douleur trop amère
Ne durera qu'un temps; Johnson nous reviendra,
Dit l'aïeule; et pour vous l'avenir sourira. "
Blanche hocha la tête avec un air de doute.
En ce moment passaient sur le bord de la route
Deux enfants qui parlaient d'amour comme à seize ans ;
Ils portaient les haillons de pauvres paysans ;
C'étaient deux orphelins, garçon et jeune fille :
La seule charité leur servait de famille.
- Non! tu n'a pas raison, dit la plus douce voix ;
Tu n'a pas réfléchi gravement, je le vois.
Si pauvres tous les deux, que serait le ménage?
- Tout autant que d'amour n'ai-je pas de courage ?
- Hélas! c'était ainsi que nos parents parlaient !
Ils pouvaient travailler autant qu'ils le voulaient ;
Ils s'aimaient comme nous; mais... vint la maladie !
Et quelle force alors ne se trouve engourdie ?
La misère et la faim eurent bientôt leur tour,
Et trois petits cercueils emportèrent un jour
Mes trois petites sœurs que rejoignit mon père,
En entraînant aussi de douleur notre mère !
Mon histoire est la tienne.....
- Ah! pourquoi rappeler
Ces tristes souvenirs qu'il faut plutôt voiler ?
Le malheur est-il donc toujours inexorable ?
Le destin ne peut-il se montrer favorable
A deux pauvres enfants oubliés et perdus,
Qui demandent au Ciel du pain et rien de plus ?
Si tu dis non, Lucette, au seul vœu de ma vie,
Je m'en irai bien loin pleurer ma paix ravie,
Je me ferai soldat, j'irai chercher la mort :
Nul ne sera du moins inquiet sur mon sort !
- Puisque tu veux partir, tu ne m'aimes plus guères ;
C'est moi qui m'en irai retrouver nos deux mères :
J'irai d'abord servir dans quelque vieux château,
D'où le chagrin rongeur m'emportera bientôt...
Ils étaient sérieux en parlant de la sorte ;
Mais leurs mains se serraient d'une étreinte plus forte,
Leurs yeux les démentaient et riaient sous les pleurs
D'être tout à la fois aimants et querelleurs.
Blanche avait entendu cette scène naïve ;
Emue au fond du cœur, auprès d'eux elle arrive
Troublés ils font un bond, baissent leurs fronts confus :
On savait leurs secrets, ils avaient été vus !
Mais Blanche souriant de leur peur enfantine,
Prit la petite main de la jeune mutine :
- Lucette, réponds-moi, l'aimes-tu, mon enfant ?
Interroge ton cœur qui souffre en ce moment.
- Quoi! vous me demandez, madame, si je l'aime !
Oh ! plus que mon bonheur et plus que Dieu lui-même !
Mais c'est précisément pourquoi je lui dis: Non.
Il deviendrait plus pauvre en me donnant son nom ;
Maintenant il est seul : nous serions deux, madame !
Trop de travail tuerait et son corps et son âme ;
En le voyant souffrir je mourrais de deux morts.
- Il ne souffrira pas, tu n'auras nul remords ;
Tiens, mon enfant, ceci me vient de ma grand'mère :
Vois, c'est un diamant, une bague fort chère ;
Prends ce cadeau de noce avec ces bijoux d'or.
Prends cette chaîne aussi, Lucette, prends encor
Cette croix de rubis qui brille à ma poitrine ;
Va tout vendre en mon nom à la ville voisine ;
Va, ce rien que je t'offre est une dot pour toi.
Mais en échange, enfant, tu prieras Dieu pour moi ;
Tu le prieras tout bas le jour du mariage,
Quand ton cœur aura dit le Oui qui nous engage,
Et ton fiancé, devenu ton époux,
Te redira: Merci! le front sur tes genoux.
V
Trois ans se sont passés au milieu des montagnes :
Mais enfin pour Paris on quitta les campagnes.
L'aïeule y voulut suivre un frère bien-aimé
Et surtout sauver Blanche au cœur trop consumé.
Dans sa douleur muette ayant jeté la sonde,
Elle a trouvé la plaie incurable et profonde.
Peut-être, se dit-elle, il lui faudrait le bruit,
Les fêtes, les splendeurs, l'ivresse qui les suit ;
Au milieu des salons sa beauté souveraine,
Eblouissant les yeux, la fera nommer reine ;
Plus d'un regard profond recherchera le sien,
Plus d'un effort puissant viendra se joindre au mien.
Pauvre mère! tu dis: Sa plaie est incurable,
Et tu tentes pourtant d'un moyen misérable,
D'un mesquin intérêt d'étroite vanité,
Pour étourdir un coeur dont tu sais la fierté.
Que l'amour maternel est aveugle et sublime !
Il croit ce qu'il désire et ne voit pas l'abime.
Ne se souvient-il plus qu'il est une douleur
Que rien ne peut couvrir, misère ni malheur,
Et qui se substitue à toute autre pensée
Malgré tous les efforts que fait l'âme blessée ?
Oh! l'absence, l'absence et ses déchirements !
Oh! l'oubli du bonheur, le mépris des serments,
Ce néant pressenti par l'âme abandonnée,
Qui d'un œil douloureux lit dans la destinée !
Blanche en mourait dans l'ombre et devançait le sort :
Cette mort de l'espoir est la plus sombre mort.
Pourtant il fallut vivre, et se parer, et plaire ;
L'aïeule avait été son ange tutélaire,
Son cœur lui devait bien de souscrire à son vœu,
D'essayer l'impossible et de sourire un peu.
Au bal, dans les concerts, aux spectacles, aux fêtes,
Elle allait moissonnant hommages et conquêtes.
Dans son indifférence elle ne voyait pas
Toutes ces fleurs d'amour s'amassant sous ses pas.
On aimait son front fier et sa voix de sirène,
Son sourire d'enfant et sa pose de reine.
On entendait partout les femmes la vanter ;
La plus belle n'eût pas osé lui disputer
Son sceptre enguirlandé de lauriers et de roses.
Oh! le monde peut croire à ces métamorphoses
Qui le soir, sous un lustre éblouissant de feux,
D'un beau front ravagé font un front radieux !
La couronne de fleurs ou de perles recouvre
La ride que l'angoisse a creusée, et que rouvre
Sous les bandeaux brillants le sombre souvenir.
Dieu sait, lui, que les pleurs sont bien près de venir
A la place du rire auquel se prend la foule,
Que la peine est vivante au cœur qui la refoule.
Aussi, quand la musique aux harmonies chœurs
Inclinait tous les fronts et charmait tous les cœurs,
Quand l'air était rempli de voix mystérieuses,
Lugubres pour les uns, pour les autres rieuses,
Blanche s'échappait pâle, elle ne pouvait plus
Contenir les sanglots qu'on aurait entendus.
Elle allait respirer preès de quelque fenêtre,
Et souriante et calme on la voyait renaître.
- L'âme humaine a son voile et le garde baissé. -
Mais quand des airs nouveaux l'auditoire lassé
La priait à genoux de chanter elle-même,
Elle épouvantait presque avec sa voix suprême :
Son chant grave, lointain, éveillait des échos
Plus sombres que la nuit, plus profonds que les flots !
VI
Le temps a fait encor quelques pas; sa main blême
A séparé Johnson de la mère qui l'aime
Et qui l'avait suivi sous les ciex étrangers,
Revendiquant partout sa peine et ses dangers.
On dit que, devenu très-grand par sa vaillance,
Il rechercha la mort avec persévérance,
Trouvant trop lourd sans mère un nom retentissant ;
Mais Dieu prit sa douleur et refusa son sang.
Blanche lut ces détails au bulletin des guerres,
Puis le silence encor se fit comme naguères.
Elle est femme à présent, elle a vingt ans et plus ;
Depuis qu'il est parti cinq ans sont révolus.
IIIe PARTIE.
CHEZ L'AMBASSADEUR.
I
Fais-toi belle entre les plus belles,
C'est grand bal chez l'ambassadeur.
Peut-être auras-tu des nouvelles
De celui que nomme ton cœur.
Pauvre enfant! tes dentelles blanches
Font paraître ton œil plus noir,
Et quand rêveuse tu te penches,
On se penche aussi pour te voir.
Sais-tu qu'en silence on te prie
Comme on prie un ange des cieux ?
Sais-tu que la Vierge Marie
Moins que toi charmait tous les yeux ?
Allons! ceins ta double couronne
Et de génie et de beauté !
L'air de valse au loin tourbillonne
Au fond du palais enchanté.
Oh! qu'orgueilleuse est ta grand'mère
Appuyée à ton frêle bras !
Oh! que douce pour elle est ta joie éphémère !
Viens, ô Blanche, et dis-nous que tu t'en souviendras !
II
On avait fait grand bruit de ce bal; dans les rues,
Des troupes d'ouvriers à tous moments accrues,
Regardaient à travers les carrosses fringants
Les nobles invités en habits élégants.
La circulation devenait difficile,
De pâles mendiants interrompaient la file,
Et venaient demander la dime du bonheur
A ces puissants du jour rayonnants de splendeur.
C'étaient de grands vieillards à mines décharnées
Qu'avait voûtés la faim bien plus que les années,
Ou des petits enfants dont la tremblante main
S'allongeait grêle et froide en demandant du pain.
Plus loin c'étaient aussi des femmes souffreteuses ;
Elles se reculaeient, de leurs haillons honteuses.
Œil terne, front ridé, cheveux gris, parler bas,
Les jeunes dans leurs rangs ne se distinguaient pas,
Tant la privation sous l'étau les nivelle
Et leur laisse une empreinte uniforme et cruelle.
Pourtant sous les haillons bat plus d'un jeune sein !
Les larmes ont voilé plus d'un regard divin,
La misère a courbé plus d'une noble tête.....
Dans ce pénible groupe où la pitié s'arrête,
Une des femmes chante et se tient à l'écart ;
Plus que d'autres encore elle fuit le regard.
Elle ne comprend pas, elle ne peut comprendre
Sa romance si triste et ce regret si tendre !
Mais, pourquoi cette voix qui nous fait tressaillir !
Arrêtée à côté, la voiture de Blanche
Lui permet de descendre: elle écoute et se penche.
Quelle sombre élégie! oh! quel lugubre accent !
Quelqu'un sait donc son deuil, sent donc ce qu'elle sent !
Un mot a donc trahi sa plainte douloureuse ?
Dans le chant sangloté par cette malheureuse,
On dirait qu'elle parle elle-même; on dirait...
Nous donnons la romance et gardons le secret.
Si dans l'ivresse d'une fête,
Sous les lambris resplendissants,
Le vertige monte à ma tête
Comme un irrésistible encens ;
Si mon œil ébloui rayonne
Plein de regards fascinateurs,
Si mon front plus fier se couronne
De mille feux inspirateurs ;
Respectez mon frêle délire,
Ne réveillez pas ma raison :
Pour changer en pleurs mon sourire,
Il ne faudrait que prononcer un nom.
Prenez garde, laissez-moi vivre !
Laissez-moi respirer encor
L'air des cieux dont l'aspect enivre
A travers les nuages d'or.
Que je voie encor les vieux chênes,
Les hauts peupliers des forêts,
Et les mers aux rives prochaines,
Et les vallons et les guérets !
Voilez-moi l'abime où je tombe !
Parlez-moi de vaste horizon,
De Dieu, de sommeil et de tombe :
Mais, ô jamais! ne prononcez son nom !
Qu'ai-je dit! Oh! non! plus de rêves !
Plus de recueillement jamais !
Plus de flots chanteurs sur les grèves !
Il faut fuir tout ce que j'aimais.
Les grandes voix des solitudes
Semblent connaître mes douleurs ;
Leurs plaintes semblent les préludes
De mes plaintes et de mes pleurs.
Roule donc, factice existence
Qui me sauve de l'abandon !
Je te subis sans résistance :
Ton bruit brutal couvre le bruit d'un nom !
Tourbillonnez, ô jeunes filles,
Près de moi qui veux m'étourdir
Aux airs dansants des gais quadrilles
Où votre cœur se sent bondir !
Chantez! oh! montrez-vous ravies !
Pour étouffer mon âme, il faut
Vos jeunes et riantes vies
Où le bonheur parle si haut.
Mais pourquoi donc tremblé-je encore ?
Ne suis-je pas sauvée? Oh! non!
De force en vain je me décore :
Le masque tombe, hélas! j'entends son nom !
Si dans l'ivresse d'une fête,
Sous les lambris resplendissants,
Le vertige monte à ma tête
Comme un irrésistible encens ;
Si mon œil ébloui rayonne
Plein de regards fascinateurs,
Si mon front plus fier se couronne
De mille feux inspirateurs ;
Respectez mon frêle délire,
Ne réveillez pas ma raison :
Pour changer en pleurs mon sourire,
Il n'a fallu que prononcer un nom !
III
Ces paroles, cet air, cette coïncidence
De son propre destin lui faisant confidence,
Cette plainte étouffée où crie un sombre mal,
Suffoque un instant Blanche et lui devient fatal.
La pauvre mendiante et son refrain funeste
S'attache à sa pensée, en mémoire lui reste ;
Il lui semblait au bal la voir, l'entendre encor ;
Dans chaque bruit c'est elle, elle en chaque décor.
N'est-ce pas que son spectre est là qui glisse et passe
Il paraît, puis s'en va, se montre encor, s'efface ;
Les yeux hallucinés de Blanche sont remplis
De cette vision aux tortueux replis.
Elle en est presque folle, elle avance avec peine,
Son geste est saccadé, sa parole hautaine.
Mais, ce n'est pas un leurre! elle a bien entendu
Cette fois; c'est un nom par mille répondu.
Ce nom, c'est bien celui de Johnson! - C'est lui-même !
Oui, c'est lui! Dieu puissant, se souvient-il qu'on l'aime ?
Sa patrie en est fière et l'a fait amiral ;
Le voyez-vous au bras de ce vieux général ?
Oh! que les bruns lauriers vont bien à sa figure !
Qu'austère est son regard et noble son allure !
Ce retour imprévu ne présage-t-il rien ?
Blanche, son œil a-t-il déjà surpris le tien ?
Quand Johnson s'avança vers l'enfant triomphante,
Il était escorté d'une foule mouvante ;
Il lui tendit la main comme on fait à sa sœur,
Puis il lui demanda d'un ton plein de douceur
S'il ne la verrait pas bientôt en fiancée ...
Blanche se mit à rire ainsi qu'une insensée :
Un bal avait ouvert le ciel à son amour,
Un bal devait briser ce long rêve en un jour.
D'hymen et d'héritage on parlait autour d'elle,
Et chacun répétait: Elle est illustre et belle !
Blanche a peur de comprendre: " On se marie, ici,
Fit-elle. - Oui, c'est Johnson; - sa femme, la voici. "
On désignait près d'elle une jeune Italienne.
" C'est ma fille, et je suis fier qu'elle m'appartienne, "
Dit le vieux général en caressant des yeux
Sa blonde et pâle enfant aux longs cheveux soyeux.
Blanche fixa Johnson et lui répondit vite :
" Elle est belle, en effet, et je vous félicite,
Monsieur. " - Ces mots sortaient d'un cœur si déchiré,
Que Johnson demanda : Mais qui donc a pleuré ?
IV
Ainsi le souvenir, sacré pour une femme,
Secret de son bonheur, relique de son âme,
Ce divin talisman de son pieux amour,
L'homme en fait un hochet brisé le premier jour.
Se souvenir, mon Dieu! se souvient-on sur terre
Du parfum pris en route à la fleur solitaire ?
Si l'on revient plus tard par les mêmes sentiers,
L'on foule sans remords la pauvre fleur aux pieds.
Pourquoi se souvenir d'un nom de jeune fille ?
On n'a vu qu'un front pur, qu'un doux regard qui brille ;
On n'a jamais pensé que ce front peut pencher,
Ce regard s'assombrir, la fleur se dessécher.
On n'a jamais pensé que ce cœur qui tressaille
Peut souffrir et mourir... on oublie ou l'on raille !
Se souvint-on jamais du premier coup de vent,
Du premier soleil d'or, du premier flot roulant,
Qui surprit ou charma notre enfance candide ?
Pourquoi moins oublier quelque regard limpide,
Quelque histoire d'amour, qulque serment sacré ?
Qu'importe dans le monde un cœur de plus navré !
L'homme va... la mer bleue un jour au loin l'emmène,
Puis le rapporte un jour dans la mêlée humaine ;
Il est grand, décoré d'un nom plus glorieux :
On ne demande pas s'il revient oublieux.
V
Blanche se redressa courageuse et sublime,
Rien ne saurait plier une âme magnanime ;
Elle se vit coupable en son esprit calmé
D'avoir trop cru d'abord et d'avoir trop aimé.
Qu'est-ce donc, en effet, qu'un double aveu de flamme ?
Pour l'homme ce n'est rien, si c'est tout pour la femme !
Un soir il croit aimer, mais s'il s'est abusé,
Qu'importe que le cœur qui l'aimait soit brisé ?
Qu'importe que le songe ait laissé son empreinte
Au fond d'une autre vie à tout jamais éteinte ?
La grand'mère, moins ferme à ce coup imprévu,
Eut peur de l'avenir tout d'un coup entrevu.
Blanche avait beau lui dire : " Il n'en est rien, grand'mère.
" Peut-être je l'aimai, mais vous m'êtes plus chère ;
" N'ai-je pas de la force, et n'êtes vous pas là ?
" Je souffre seulement parce que vous voilà
" Triste et plus accablée, hélas! que mon cœur même !
" Oh! ne me manquez pas! après vous qui donc m'aime ?
" O mon Dieu! votre main est plus froide! et je sens
" Comme un souffle de mort bouleverser mes sens !
" Parlez-moi, parlez-moi! je pourrai bien survivre
" A lui, mais pas à vous: morte, je veux vous suivre. "
- " Rassure-toi, ce n'est rien, absolument rien ;
" Hier j'étais plus mal; mais vois, que je suis bien
" Aujourd'hui! Sais-tu, Blanche, un peu devant l'automne,
" Nous irons dans nos bois: la campagne est si bonne !
" C'est son air qu'il me faut, j'étouffe ici; là-bas
" Mes forces reviendront ; va, ne t'afflige pas. "
Et son dévoûement usant de stratagème,
Nommait d'un autre nom son désespoir suprême.
VI
Mais le destin marchait inflexible, et deux mois
N'étaient point écoulés qu'une lugubre croix
Recouvrait sur un lit un visage de morte.
Silence! Blanche est là, seule, et défend la porte.
Sur cette froide main qui ne lui répond plus,
Tombent des pleurs sacrés de Dieu seul entendus !
Elle marche; son ombre et s'allonge et s'efface ;
A ce pâle témoin qu'elle interroge en face,
La mort! elle révèle en solennels aveux
D'autres sanglots poignants, d'autres regrets que ceux
D'un fol amour de femme et d'une âme en souffrance.
O mort! rediras-tu la sombre confidence ?
Ou l'ensevelis-tu comme l'océan noir
Qui garde le limon dessous son bleu miroir,
Pour couvrir d'un linceul avec sa vase immonde
Ou les débris d'un homme ou les débris d'un monde!
VII
Durant que le convoi s'annonçait par un glas,
L'église organisait avec même fracas,
Avec même opulence une fête contraire.
Ici le deuil, la mort et son chant funéraire,
Et les pâles flambeaux et les larmes d'argent ;
Là-bas un mariage au cortége bruyant,
Et les vêtements d'or et les chants d'allégresse,
Et les cierges brillants: gloire, orgueil et richesse !
Bonheur surtout! - Voyez! que d'apprêts inventés !
Deux royaumes fameux sont là représentés,
Comme s'il s'agissait d'un prince héréditaire ;
Les ministres de France et ceux de l'Angleterre
Vont servir de témoins à Johnson l'amiral ;
Oh! ne trouvez-vous pas que ce bonheur fait mal ?
Ce sont eux, ce sont eux: voici la fiancée ;
Son jeune époux lui donne une main empressée
Pour descendre; - mais quoi ! quel est l'encombrement !
Ce n'est rien, avancez : c'est un enterrement.
Oui, c'était le convoi! dérision atroce !
Et le cercueil heurta la voiture de noce.
ÉPILOGUE.
Vous avez tous connu la grand'mère et l'enfant ;
Dans vos réunions vous avez vu souvent
Le front mélancolique et fier de l'héroïne,
Qui nous subjuguait tous par sa grâce divine.
A la voir souriante, affable, d'une humeur
Egale en tous les temps, ou tristesse ou bonheur,
Dévouée à chacun de même qu'une femme
Qui n'aurait nul souci d'elle-même dans l'âme,
Sans qu'un mot de retour sur elle soit jeté,
Eût-on pu deviner et se fût-on douté
Qu'une histoire funèbre un jour l'avait étreinte ?
Où donc dans ses propos en retrouver l'empreinte ?
Heureuse du bonheur de qui semblait heureux,
Elle aimait les enfants et jouait avec eux ;
Si l'un d'eux semblait pris d'une douleur amère :
" Aurait-il donc perdu quelque bonne grand'mère ? "
Disait-elle, en songeant à celle qui là-haut
Sourit à son courage et lui dit : A bientôt !
25 septembre 1851