Henri Bauer
Félicien Champsaur
Edouard Dubus
Fernand Hauser
Catulle Mendès
Rachilde
Georges Rodenbach
Zanetto
Henri Bauer
Écoutez ce délicat et original poème cueilli à un volume de rythmes
pittoresques ouvert au hasard sur ma table : il est intitulé
"Javanaises." [...] L'auteur de ce pittoresque, gracieux, et suggestif
tableau est à peine connu. C'est une femme : elle a le nom Marie
Krysinska. Pensez-vous qu'il manque à sa poésie originale la césure et
la rime.
Echo de Paris (1891)
Félicien Champsaur
Je viens de relire, cette semaine, dans un coquet
volume imprimé chez Lemerre, les poèmes en prose qu'une jeune femme, Mme
Marie Krysinska a publiés depuis 1882 dans l'illustre journal : Le Chat
noir. Le livre a pour titre : Rythmes pittoresques. Il y a là des pages
délicieuses et le distingué préfacier M. Rosny a raison de dire à
l'originale artiste à qui devant le public littéraire il offre le bras :
'Votre prose rythmée possède une harmonie délicate ; l'euphonie des
mots, le système des assonances, la modulation de la période et, d'autre
part la grâce, l'inattendu, la concentration, la saveur des images, ne
laissent pas un instant de doute sur le caractère nettement et bellement
poétique de votre travail.'
L'Événement (1890)
Édouard Dubus
Rythmes pittoresques, par Marie Krysinska (Lemerre).
Voilà un volume de poèmes en vers et strophes libres, Chaque pièce y est
décomposée en idées principales, et de membres de phrase de longueur
variable, assonant parfois ou bien n'assonant pas, afin d'exprimer les
mouvements, les attitudes, les rapports, les différences des moindres
pensées. [...] On a voulu, le titre en est un sûr témoignage, que le
rythme régnât ici en maître absolu. En tyran !
Mercure de France (décembre 1890)
Fernand Hauser
Mme Marie Krysinska est un des écrivains les plus
complets de la génération poétique nouvelle ; entrée dans la littérature
en un moment de trouble où chacun se demandait avec angoisse ce qu'il
pourrait bien dire ... Mme Marie Krysinska nous apporta de véritables
poèmes lyriques, qui ne pouvaient être classés dans aucun des genres
poétiques que nous connaissons. [...] Mme M. Krysinska n'aurait pu faire
école. Son talent est trop personnel et trop particulier ; elle est l'un
de ces rares poètes qui ne dérivent de personne et qui laisse dans la
littérature une trace lumineuse, telles les comètes resplendissantes.
[...] Mme Marie Krysinska, dans la littérature, occupera une place toute
particulière, car personne, à moins de la plagier, ne pourra l'imiter.
Simple Revue (16 mai 1894)
Catulle Mendès
Que l'aimable poétesse Marie
Crysinska veuille bien me pardonner si je ne prends pas beaucoup plus en
considération la légende qui la présente comme la
sainte-Jeanne-Baptistine de l'école vers-libriste ; sans doute, elle a
publié des 'lignes' ressemblant à ce qu'on allait appeler des vers
libres, à une époque où, malgré les indications ironiques de Charles
Cros et les consentements paresseux de Mme Nina de Villard, on n'en
imprimait pas encore de telles. Mais quoi ! la jeune Polonaise
faisait-elle bien exprès, tout à fait, de s'exprimer en cette forme ? ne
fut-ce pas, peut-être, à l'imitation des strophes traduites de Henri
Heine, gardant quelque rythme dans la version française et quelque air
de mesure dans la disposition typographique, qu'elle composa les
premiers de ses délicats et émus ouvrages ? En vérité, je pense que,
satisfaite d'être célèbre pour l'aimable spontanéité de ses vers
(puisqu'on dit que ce sont des vers), Marie Crysinska fera bien de ne
point prétendre à la gloire d'avoir été une novatrice.
Rapport sur le mouvement poétique français (1902)
Rachilde
Depuis longtemps, l'auteur nous affirme qu'il a inventé le
vers libre, et, pour nouvelle preuve, il nous offre une nouvelle série
de poèmes [Joies errantes] très en dehors des règles connues. Pourquoi
lui disputer cette gloire ? Le vers libre est un charmant non-sens, un
bégayement délicieux et baroque convenant merveilleusement aux femmes
poètes dont la paresse instinctive est souvent synonyme de génie. Ce que
Jean Moréas (de l'école romane) aura cru trouver en peinant terriblement
sur les vieux bouquins de Ronsard et quelques dictionnaires ignorés,
Marie Krysinska ne peut-elle l'avoir découvert aussi en jouant avec les
frous-frous de sa jupe, les perles d'un collier, le souvenir d'un rêve ?
Je ne vois nul inconvénient à ce qu'une femme pousse la versification
jusqu'à sa dernière licence ?
Mercure de France (août 1894)
Georges Rodenbach
Peut-être M. Arthur Rimbaud, qui avait commencé par
des vers conformes, en prenant barre à Paris comme cela lui arrivait
souvent, aura-t-il eu connaissance des rythmes de ce genre publiés çà et
là dans des feuilles par Mme Marie Krysinska ? Dès 1879, nous l'avons
entendue au cercle des Hydropathes divulguer ces premiers vers libres,
parus par fragments en 1882, en 1883, dans l'Événement ; et il est
incontestable, comme l'a dit M. J.-H. Rosny dans la préface de ces
proses rythmées, réunies récemment en volume, que la première 'elle
constitua ce nouveau mode musical de la parole non chantée.'
"La Poésie nouvelle : À propos des décadents et des symbolistes," Revue bleue (1891)
Zanetto
Une figure délicieuse, encadrée par de magnifiques cheveux noirs
: des yeux à damner le plus chaste des poètes, des lèvres rouges comme
des fraises mûres, et, avec cela une démarche lente, des gestes
indolents, des paroles enveloppantes, telle est Mme Marie Krysinska.
"Profils de poètes : Mme Marie Krysinska," Simple revue (1893)